À la base de chaque enluminure, il y a un dessin et une fois ce dernier réalisé, il faut le mettre en couleurs. Si je répète que chaque période du Moyen-Âge possède son propre style graphique, c’est aussi vrai pour la palette de couleurs.
Alors quel genre de pigments les enlumineurs mérovingiens utilisaient-ils ? Comment les fabriquaient-ils ? Quelle est la palette de couleurs de l’époque ?
Un des premiers sujets que j’ai peints alors que je commençais l’école d’enluminure a été une série de poissons mérovingiens. Si à l’époque, je ne connaissais pas encore les origines de ce style, j’étais heureuse de constater qu’il était simple, à la fois par son tracé et par la pose et l’utilisation de ses couleurs.
Cependant, j’étais loin d’imaginer ce qui pouvait composer les pigments historiques. Avec le recul, je suis bien contente d’avoir utilisé des substituts !!
Les couleurs au Moyen-Âge sont les suivantes : le blanc, le jaune, le rouge, le vert, le bleu et le noir.
Mais alors, quelle est la composition de ces pigments à l’époque mérovingienne ?
Le blanc
Le blanc n’est pas vraiment utilisé tel quel à l’époque mérovingienne.
En effet, pour signifier le blanc, les enlumineurs laissaient en général le motif « en réserve ». C’est à dire qu’ils ne le peignaient pas.
Cependant, il pouvait être utilisé afin de faire des mélanges. Pour cela, le pigment de l’époque est principalement le blanc de céruse, ou blanc de plomb, obtenu par oxydation du métal plomb.
Si sa toxicité est connue, son utilisation reste fréquente car il a une couleur très intense et qu’il est très opaque, contrairement à ses substituts que sont la craie ou le gypse.
Les jaunes
Les jaunes pouvaient avoir plusieurs origines.
On pouvait en obtenir à partir du plomb, en continuant l’oxydation de la céruse. On obtenait alors le jaune massicot.
Mais le plus répandu était celui obtenu à partir de l’arsenic : l’orpiment.
Ce pigment est connu depuis l’antiquité et son utilisation est attestée également à l’époque mérovingienne. Il est de couleur intense et il remplace souvent l’or dans les manuscrits du début du Moyen-âge.
Des jaunes peuvent également être obtenus à partir de plantes, comme le curcuma, la gaude ou les baies de nerprun. On utilise également l’ocre jaune, mais leurs couleurs sont plus ternes ou instables dans le temps.
Les rouges
De même, les rouges peuvent être obtenus par oxydation.
Celle du plomb, qui transforme le massicot en minium, de couleur orangée très intense.
Celle de l’arsenic, qui transforme l’orpiment en réalgar, de couleur rouge rubis.
Celle du fer, qui donne l’hématite.
À l’époque mérovingienne, c’est le minium qui est le plus utilisé pour ses teintes éclatantes orangées. Pour les rouges plus intenses et foncés, on pouvait utiliser l’hématite, mais sa couleur, en comparaison, est terne.
Pour des couleurs plus violacées, on pouvait utiliser la pourpre obtenue à partir de cochenille ou le murex, mais elle ne sera vraiment utilisée que les siècles suivants. De plus, cette couleur est chère à cause de ses ingrédients de base.
On utilise alors plutôt des équivalents obtenus à partir de plantes, telles que la garance dont on utilise les racines, ou le follium , obtenu après macération des graines, feuilles et tiges de tournesol.
Le vert
Le vert s’obtenait lui aussi par oxydation, celle du cuivre, donnant les différentes teintes de ce qu’on appelle communément le vert de gris.
On pouvait l’obtenir en faisant oxyder des plaques de cuivre avec des émanations de vinaigre.
Il pouvait également provenir du broyage de pierres telles que la malachite ou la chrysocolle, toutes deux contenant du vert-de-gris en proportions différentes, leur conférant leur couleur.
Les teintes du vert de gris varient d’un vert terne à un bleu presque turquoise qui est vraiment éclatant. L’inconvénient de ce pigment est qu’il est assez instable dans le temps, pouvait même aller parfois jusqu’à ronger le parchemin !
Le bleu
Le seul bleu utilisé au début du moyen-âge pour illustrer les manuscrits est l’indigo.
Qu’elle provienne de l’indigotier ou de la guède, cette couleur est la seule présente au temps des mérovingiens.
Sa teinte varie d’un bleu foncé intense presque violet à un bleu-gris qui peut paraitre terne.
Le noir
Le noir n’est généralement utilisé que pour cerner les formes. Il se compose principalement de noir de fumée, qui est obtenu grâce à la carbonisation de divers éléments organiques tels que le bois.
À retenir
Les couleurs utilisées à l’époque mérovingienne sont au nombre de six :
- Blanc : Blanc de plomb
- Jaune : Orpiment
- Rouge : Minium, hématite
- Vert : Vert-de-gris
- Bleu : Indigo
- Noir : Noir de fumée
Maintenant que vous connaissez les secrets de fabrication des pigments de l’époque mérovingienne, vous comprendrez en quoi les substituts modernes sont pratiques.
Je vous partage également une vidéo résumant l’article :
Si vous connaissiez surement déjà le blanc de plomb, saviez-vous que certains autres pigments pouvaient être si dangereux avant de lire ces lignes ?
Seriez-vous prêts à les utiliser ? Pourquoi ?
Dites-moi tout en commentaire !
Sources :
Perrin Michel. Regards croisés sur la couleur, de l’Antiquité au Moyen Âge autour de quelques notes de lecture. In: Bulletin de l’Association Guillaume Budé, n°2, juin 2001. pp. 153-170;
doi : https://doi.org/10.3406/bude.2001.2026
https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_2001_num_1_2_2026
Guineau Bernard, Vezin Jean. Étude technique des peintures du manuscrit De laudibus sanctae Crucis conservé à la Bibliothèque municipale d’Amiens (Amiens 223). In: Scriptorium, Tome 46 n°2, 1992. pp. 224-237;
doi : https://doi.org/10.3406/scrip.1992.1634
https://www.persee.fr/doc/scrip_0036-9772_1992_num_46_2_1634
Bonjour Brunhild, merci pour cet article qui met en évidence la technicité, précision et créativité de l’enluminure.
Merci pr cet article très complet ! Tu arrives bien à nous expliquer tout ce qui tourne sur l’enluminure ! 🙃