Grâce à mes précédents articles, vous êtes maintenant familiarisés avec la dynastie carolingienne et les hommes qui l’ont façonnée. Mais qu’en est-il des femmes de l’époque carolingienne ? Je vous propose de découvrir les portrait de celles qui ont marqué cette époque par leur influence politique, religieuse ou culturelle.
Lioba
Lioba est une religieuse anglo-saxonne ayant joué un rôle important dans la diffusion du christianisme en Germanie et en Francie orientale. Elle est apparentée à saint Boniface, le célèbre missionnaire et archevêque de Mayence.
Née vers 710 en sur les îles anglo-saxonnes, Lioba entre très jeune au monastère de Wimborne dans le Wessex, où elle reçoit une éducation soignée, apprenant le latin, le grec et les Écritures. Elle s’y distingue par sa piété et sa sagesse.
Vers 735, elle est appelée par Boniface pour l’aider à évangéliser les peuples germaniques. Elle quitte son pays natal avec une trentaine de moniales et s’installe au monastère de Bischofsheim, dans le diocèse de Wurtzbourg en Francie orientale. Elle y fonde une communauté florissante, qui suit la règle de Saint Benoît et sert de modèle aux autres monastères féminins de Francie.
Lioba est également une correspondante assidue de plusieurs personnalités ecclésiastiques et politiques de son époque, comme la reine Hildegarde de Vintzgau, de qui elle devient l’amie et confidente. Elles partageaient les mêmes convictions religieuses, les mêmes intérêts culturels et les mêmes préoccupations sociales. Elles œuvrent ensemble pour la réforme de l’Église, la diffusion du savoir et le bien-être des pauvres et des malades.
Après la mort de Boniface en 754, Lioba continue son œuvre missionnaire. Elle meurt vers 783 au monastère de Schornsheim, où elle est enterrée, avant que sa tombe soit transférée à Fulda auprès de Boniface.
Hildegarde de Vintzgau
Née vers 758, Hildegarde est la fille du comte Gérold Ier de Vintzgau et d’Emma d’Alémanie. Elle épouse Charlemagne alors qu’elle n’a que 13 ans, après que ce dernier a répudié sa précédente femme, devenant ainsi reine des Francs et des Lombards.
Elle accompagne son mari dans ses voyages, notamment en Italie, en Espagne et en Aquitaine. Elle donne naissance à plusieurs de ses enfants lors de ces voyages, comme Adélaïde à Pavie, Louis et Lothaire à Chasseneuil, et Gisèle à Rome.
Hildegarde est une femme pieuse et généreuse, qui fait des dons à plusieurs monastères et églises. Elle commande également l’Evangéliaire de Godescalc en 781 pour commémorer sa venue et celle de Charles à Rome ainsi que le baptême de leur fils Pépin (né Carloman). Elle entretient une forte amitié avec la sainte abbesse Lioba, qui est pour elle un grand soutien intellectuel et spirituel, malgré leur grande différence d’âge. Elle offre aussi une couverture pour l’autel de l’église Saint-Pierre à Rome.
Elle donne 9 enfants à l’Empereur : Charles, Pépin (le futur roi d’Italie), Louis (le Pieux) et son frère jumeau Lothair (mort enfant), ainsi que 4 filles, dont la plus jeune, Hildegarde, a causé sa mort. Elle meurt en effet le 30 avril 783 à l’âge de 25 ans, des suites de son dernier accouchement. Seules Berthe, Rotrude et Gisèle grandissent et reçoivent une éducation intellectuelle à l’école de la cour.
Elle est enterrée à l’abbaye de Saint-Arnould, où Charlemagne fait construire une chapelle en son honneur.
Rotrude
Née vers 775, Rotrude est la deuxième fille de Charlemagne et de sa troisième épouse Hildegarde de Vintzgau.
Dès son plus jeune âge, Rotrude reçoit une éducation, comme tous les enfants de Charlemagne. Elle apprend le latin, le grec, la musique, la poésie et les sciences. Elle est considérée comme une femme lettrée et érudite.
En 781, à l’âge de six ans, elle est promise en mariage à Constantin VI, l’empereur byzantin, fils d’Irène l’Athénienne. Cette alliance vise à renforcer les liens entre les deux empires chrétiens face aux menaces musulmanes et slaves. Rotrude prend alors le nom grec d’Erythréa et reçoit un précepteur qui lui enseigne le grec et les coutumes byzantines.
Les fiançailles durent six ans, mais elles sont rompues en 787, pour des raisons politiques et religieuses. En effet, Charlemagne s’oppose à la politique iconoclaste de Constantin VI. De plus, Charlemagne envahit le royaume lombard, qui était un allié de Byzance. Rotrude retourne alors auprès de son père, qui refuse de la marier à un noble de son royaume.
Rotrude choisit alors de vivre librement et devient la maîtresse du comte Rorgon Ier du Maine, un proche conseiller de Charlemagne. De cette liaison illégitime naît un fils, Louis, vers 800. Louis deviendra abbé de Saint-Denis et chancelier de Charles le Chauve.
Rotrude meurt le 6 juin 810, à l’âge de 35 ans environ et laisse le souvenir d’une femme intelligente, cultivée et indépendante.
Dhuoda
Née aux alentours de l’an 800, Dhuoda est la femme ayant écrit le premier traité d’éducation connu, le manuel pour mon fils. Il s’agit d’un manuel d’éducation morale qu’elle a rédigé entre le 30 novembre 841 et le 2 février 843 à l’attention de son fils aîné Guillaume alors âgé de 16 ans.
Appartenant à une famille noble, elle épouse Bernard, comte de Septimanie, et lui donne deux fils, Guillaume et Bernard. Cependant, elle est séparée de l’un comme de l’autre, car après la naissance de son second fils, elle s’installe à Uzès et cesse de suivre son mari dans ses déplacements incessants. C’est là qu’elle rédige son œuvre, dans laquelle elle transmet à son fils aîné ses connaissances historiques, littéraires, morales et religieuses. Elle y exprime aussi son amour maternel et sa douleur de l’exil.
Si son fils Guillaume a une fin tragique à 24 ans à peine, son fils Bernard sera père d’un autre Guillaume à qui les conseils de ce Manuel profiteront. Il sera appelé Guillaume le Pieux, et fondera en 910, l’abbaye de Cluny, celle qui marquera en Occident le début de la réforme religieuse.
Ce manuel est considéré comme un témoignage unique sur la culture et la société de l’époque carolingienne, ainsi que sur la condition féminine au Moyen Âge.
Judith
Née en 843 à Auxerre, Judith est la fille du roi Charles le Chauve et de sa deuxième épouse, Ermentrude d’Orléans.
En 856, alors qu’elle n’a que 13 ans, elle est mariée au roi Æthelwulf de Wessex, qui en a 50. Ce mariage est une alliance politique entre les Carolingiens et les Anglo-Saxons, qui cherchent à se protéger des invasions vikings. Judith accompagne son mari en Angleterre, où elle est couronnée reine. Elle ne lui donne pas d’enfants : c’est le fils de son mari, Æthelbald, qui lui succède quand ce dernier meurt en 858.
En 859, Judith épouse son beau-fils, Æthelbald. Ce mariage est considéré comme incestueux par l’Église et provoque le scandale. Mais Æthelbald meurt peu de temps après et Judith retourne donc à la cour de son père
Il veut alors la marier à un comte franc. Cependant, elle refuse et s’enfuit avec un noble breton, Baudouin Bras-de-Fer avec qui elle se marie en secret.
Le mariage de Judith et Baudouin est d’abord rejeté par le pape Nicolas Ier, qui excommunie le couple. Mais ils obtiennent finalement le pardon du roi Charles le Chauve en 863. Ce dernier leur donne le comté de Flandre en apanage. Judith devient ainsi la première comtesse de Flandre et joue un rôle important dans la défense du territoire contre les Normands.
Judith donne naissance à trois fils : Charles (863-867), Baudouin II (864-918) et Rodolphe (865-896). Elle meurt en 870 à l’âge de 27 ans et est enterrée à l’abbaye Saint-Pierre de Gand.
Voilà donc les portraits de ces femmes de l’époque carolingienne ! Qu’elles soient abbesse, comtesse, princesse ou reine, elles ont toutes joué un rôle important dans l’histoire de l’époque carolingienne. Elles ont été des actrices politiques, culturelles et religieuses et ont contribué à façonner leur époque.
Qu’en pensez-vous ? Connaissiez-vous certaines d’entre elles ?
Dites-moi en commentaire ce que vous pensez de leur parcours !
A très bientôt !
Sources :