Qu’est-ce que l’enluminure gothique ? À quelle période se développe-t-elle ? Quelles sont ses caractéristiques ?
C’est ce que je vous explique aujourd’hui.
Alors que l’enluminure gothique est souvent la première image qui vient à l’esprit de tout un chacun dès qu’on évoque le mot « enluminure », et bien qu’il soit souvent le style préféré de bon nombre de personnes, j’ai moi-même eu beaucoup de mal à travailler sur les manuscrits de cette époque.
Non pas que je trouve l’enluminure gothique déplaisante, mais je pense que je suis moins sensible à la finesse de ces motifs que l’on voit partout qu’à ceux monumentaux et moins connus de l’enluminure carolingienne.
Contexte
Le début de l’enluminure gothique est généralement daté vers 1200. Cette dernière est l’évolution stylistique de l’enluminure romane qui s’est développée le siècle précédent en France et en Europe Occidentale.
Cependant, cette évolution ne s’est pas faite de façon homogène : dans certains lieux de production, l’enluminure romane a persisté plus longtemps (notamment en Allemagne) tandis que dans d’autres, les codes de l’enluminure gothique se sont rapidement profilés.
Comment l’enluminure gothique s’est-elle développée ?
D’une part grâce aux changements qui entourent le système de production du livre.
En effet, l’avènement des écoles ecclésiastique et des universités à Paris, Oxford et Bologne mène à une renaissance intellectuelle au XIIème siècle.
La première conséquence d’un tel changement est que la demande de livres augmente et que les sujets traités sortent du cadre religieux. À côté des Bibles et des Évangéliaires apparaissent des traités scientifiques et philosophiques.
Avec cette augmentation et cette diversification des sujets traités, des ateliers laïcs sont fondés, menés par des Maîtres. Les Abbayes perdent peu à peu le monopole de la production des manuscrits.
D’autre part, grâce à l’essor des deux grandes puissances que sont la France et l’Angleterre et aux liens étroits qu’avaient ces deux cours (qu’ils soient bons ou mauvais).
Parce que les cours se fixent dans une capitale, la population urbaine augmente également. Leurs membres, mais aussi la bourgeoisie s’intéressent alors aux livres, en plus du clergé et des étudiants. Cette nouvelle clientèle est friande de livres de piété et profanes.
Influences
L’enluminure gothique est bien entendu influencée par l’enluminure romane (que ce soit dans sont style français ou anglo-saxon). Elle en conserve les principaux codes assez longtemps, jusqu’au XIVe siècle. Mais comme tous les autres styles précédents, elle évolue au gré des apports venants des royaumes avoisinants.
Ainsi, durant les XIIIe et XIVe siècles, ce sont des artistes venant du nord qui dominent l’enluminure gothique (France, Angleterre, Flandres) jusqu’à ce que l’enluminure italienne soit introduite à la cour de France à la moitié du XIVe siècle.
Caractéristiques
L’enluminure gothique et son style graphique se découpent en deux phases distinctes dont les caractéristiques graphiques sont nombreuses. Mais les principales différences avec l’enluminure romane viennent d’un assouplissement des lignes du dessin et un détachement d’un idéalisme dans les formes et les figures.
On y trouve entre autres choses :
- Marginalia : figures, scènes et personnages dessinés dans les marges.
- Antennes : figures décoratives formant une antenne et parcourant une partie ou toute la page
- Personnages aux silhouettes allongées : les proportions se font de plus en plus réalistes mais les personnages gardent des silhouettes allongées et prennent la pause
- Drôleries : figures et personnages grotesques. Apparus dans l’enluminure romane, ils ont bonne place dans la décoration des marges durant la première phase de la période gothique.
- Bouts de lignes : décorations servant à compléter les lignes de texte où il reste un vide.
- Peu de volume et de profondeur
- Fonds diaprés : fonds de couleur décorées à l’aide de motifs répétitifs ou filigrannés.
- Miniatures : peinture de petite taille, enluminure pleine page ou non.
- Réalisme des représentations architecturales, humaines et paysagères.
- Maîtrise des coloris et couleurs chatoyantes : Les couleurs sont vibrantes, les techniques de pose des pigments maîtrisées à l’extrême.
- Arabesques : motifs ornementaux composés de végétaux – feuilles d’acanthes ou branchages linéaires.
- Grisaille : miniature ou détails réalisés en noir et blanc.
Première phase : XIIIe et XIVe siècles
Muldenfastenstil
Style de dessin caractérisé par un trait souple et de multiples drapés aux plis resserrés. Son influence se ressent assez tôt dans l’enluminure gothique et dure jusqu’à la moitié du XIIIe siècle.
Classicisme
Style d’enluminure caractérisé par des drapés amples formant des cascades aux plis cassés. La figure humaine est équilibrée et la composition spatiale harmonieuse. Elle remplace peu à peu le muldenfastenstil.
Style courtois, maniérisme
Style datant de la fin du XIIIe siècle, il se caractérise par des figures maniérées, allongées, déhanchées. Son origine est profane et se répand peu à peu dans les livres liturgiques.
Naturalisme
Il y a une première rupture de style vers le milieu du XIVe siècle.
Au début du XIVe siècle, les drôleries marginales font leur apparition, mais le style reste assez linéaire.
Cependant, vers le milieu du XIVe siècle, les techniques de l’enluminure italienne font leur entrée en France.
D’une part, les structures architecturales se développent et avec elles des notions de volume et de profondeur dans les décors.
D’autre part, la nature et les figures humaines sont représentées de façon empirique ; l’accent est mis sur les caractéristiques physiques : c’est le style naturaliste.
Deuxième phase : XVe siècle
À la fin du XIVe siècle, il y a un équilibre dans les échanges artistiques dû à la mobilité des artistes. Le style italien est adopté partout dans le nord dont les notions de volume et d’espace, ainsi qu’une observation plus réaliste de la nature. C’est le style gothique international.
Au début du XVe siècle, sous l’impulsion de la famille royale qui est friande de beaux livres, de nombreux artistes étrangers affluent à la capitale et font revivre la tradition artistique parisienne. Les ateliers ont un second souffle et réalisent de nombreux livres luxueux et de très grande qualité.
Types d’ouvrages
Ouvrages laïcs
- Chroniques
- Chanson de geste
- Textes juridiques
- Livres de chasse
Ouvrages religieux
- Psautier
- Livre d’heures : le plus courant au XVe
- Bibles moralisées
- Traités théologiques
- Vie des Saints
À retenir
L’enluminure gothique est :
- Née sous l’impulsion d’une renaissance intellectuelle commencée au XIIe siècle.
- Réalisée dans des ateliers religieux et laïcs pour une production liturgique et profane.
- L’évolution de l’enluminure romane mais n’est pas apparue de manière homogène sur tout le territoire occidental.
- Découpée en deux phases :
- Gothique XIIIe – XIVe
- Gothique XVe
Les caractéristiques de l’enluminure gothique sont :
- Gothique XIIIe – XIVe :
- Marginalia
- Antennes
- Drôleries
- Bouts de lignes
- Silhouettes harmonieuses puis allongées et maniérées
- Fonds diaprés
- Grisaille
- Gothique XVe :
- Miniatures
- Formes, architecture et paysages réalistes
- Couleurs et technique maîtrisées
L’enluminure gothique compte des styles tels que :
- Le muldenfastenstil
- Les classicisme
- Le maniérisme
- Le naturalisme
Et vous ? Que pensez-vous de l’enluminure gothique ?
Imaginiez-vous qu’il puisse y avoir autant de styles différents ?
Lequel de ses styles préférez-vous ?
Dites-moi tout en commentaire !