Vous le savez certainement, l’enluminure désigne le fait de mettre des textes en lumière. Pour ceci, plusieurs méthodes étaient utilisées : l’utilisation de pigments clairs et lumineux tels que l’orpiment, puis plus tard, la pose d’or. Oui, mais comment se faisait la pose d’or au début du Moyen-Âge?
C’est ce que je vous explique aujourd’hui.
“On a souvent répété que la technique de l’or des manuscrits était perdue parce qu’elle aurait été gardée plus ou moins secrète par les artisans du Moyen-Âge. Cette technique était sans doute transmise verbalement seulement.
L’ouvrier chargé du travail de la dorure avait acquis — ou, sans doute, lui avait-on transmis — un savoir-faire qui le laissait juge et responsable du bon déroulement des opérations, à chaque tournant de la préparation.
Les artisans ne sont pas fréquemment “gens de lettres”. En outre, au Moyen Age, artistes et artisans peuvent souvent être confondus en une même personne habile.”
Gilissen Léon. L’or en enluminure. In: Gazette du livre médiéval, n°13. Automne 1988. pp. 10-13;
Les différentes techniques
Si les méthodes de pose d’or ne nous ont pas été transmises de manière écrite, on peut néanmoins observer qu’au début du Moyen-Âge, l’or était très présent et qu’il était utilisé de deux manières différentes :
- En aplats sur des surfaces plus ou moins importantes
- Sous forme de rehauts filigranés
Les aplats servaient, comme ceux de pigments, à recouvrir des surfaces entières d’or. Ils étaient très fréquent au moment de la renaissance carolingienne, où il fallait montrer par tous les moyens possibles la grandeur et la puissance de l’Empire, ainsi que l’importance donnée à la religion.
Les rehauts servaient, quant à eux, à souligner des détails et apporter de la lumière sur des surfaces recouvertes de pigments pour accentuer l’effet de volume d’une forme ou la texture d’un drapé.
Si les méthodes moyenâgeuses de pose d’or ne nous sont pas parvenues de manières documentées et précises, on peut néanmoins associer à ces résultats deux méthodes de pose d’or actuelles :
- Pose d’or en feuille
- Pose d’or en poudre
Les produits de base pour pose d’or en feuille
Pour poser de la feuille d’or en aplat, il faut tout d’abord trouver un mordant. Il en existe plusieurs types, végétaux, animaux, mélanges, et les recettes utilisées au Moyen-Âge ne nous sont pas parvenues.
Néanmoins, il est possible de déduire en observant les différents manuscrits du début du Moyen-Âge que l’or était posé de manière très fine, sans relief, et que par conséquent, le mordant utilisé devait également être très fin.
Dans les mordants disponibles à l’heure actuelle, plusieurs substances permettent d’obtenir un tel résultat, notamment les différentes gommes végétales ou la détrempe.
Ensuite, il s’agit de choisir sa feuille d’or. Il en existe deux types principaux :
- la feuille d’or adhésive
- la feuille d’or libre
L’avantage de la feuille d’or adhésive vient de sa maniabilité. Le fait qu’elle soit apposée sur du papier de soie permet en effet de la découper facilement aux ciseaux. Cependant, les pertes sont plus importantes lors de la pose, car il arrive souvent que des paillettes restent collées au papier de soie.
L’avantage de la feuille d’or libre vient justement du fait que, lors de la pose, il est rare que des paillettes restent accrochées à la palette. La totalité du morceau choisi entre donc en contact avec le mordant. Cependant, elle est très difficile à manier et demande un équipement supplémentaire. En effet, il ne faut aucun courant d’air sous peine de voir votre feuille s’envoler. Vous aurez également besoin d’un coussin et d’un couteau à dorer ainsi que d’une palette.
Les produits de base pour la pose d’or en poudre
Pour poser l’or en filigrane, il faut d’abord trouver son liant. Encore une fois, il en existe plusieurs types, végétaux, animaux ou mélanges. Mais la principale qualité à retenir pour travailler en finesse est justement la finesse de la préparation.
Ensuite, il s’agit d’utiliser de l’or minéral. Vous pourrez en trouver plusieurs types et qualité :
- la meilleure étant l’or en coquille
- les qualités moindres étant des substituts minéraux dorés
L’or en coquille est une préparation à base d’or en poudre ou de feuille d’or broyée. Elle est ensuite agglomérée avec un liant, de la même manière qu’un pigment. L’avantage étant qu’en l’utilisant ou le préparant vous-même, vous pourrez obtenir la même teinte que les feuilles d’or utilisées pour de l’aplat. L’inconvénient étant principalement son prix.
Les substituts minéraux sont la plupart du temps des mica synthétiques. L’avantage est qu’ils offrent une large palette de tonalités, sont inoxydables et relativement plus abordable que l’or en coquille. Les seuls inconvénient à mon sens étant le fait qu’il ne s’agit pas d’or véritable et que, par conséquent, ils n’ont pas la même luminosité.
Méthode de pose en aplat
Malgré les différences que l’on peut trouver dans les liants et dans le type de feuille d’or utilisées, la méthode de pose reste la même.
La première étape est de poser son mordant sur la surface à dorer en couche bien fine, mais suffisante.
Il est possible d’imperméabiliser la surface au préalable à l’aide d’une couche de pigment. En fonction du pigment utilisé et de l’épaisseur posée, cela donnera des reflets à l’or qui s’y superposera.
Une fois le liant posé et bien sec, il faut le réactiver pour enfin poser la feuille d’or, qu’il s’agisse d’or libre ou adhésif.
Après un temps d’attente pour permettre à l’or de bien adhérer sur la surface, il est temps d’épousseter le surplus. L’attente varie en fonction du type de mordant utilisé et de l’épaisseur qui a été posée sur le support.
Méthode pour pose en filigranes
La pose d’or en poudre pour obtenir des filigranes, qu’il s’agisse d’or en coquille ou de substituts minéraux, est la même que pour un pigment.
Une fois votre mélange or/liant effectué, vous pouvez l’utiliser directement s’il est encore liquide. S’il a été préparé au préalable, il faut le réactiver avec de l’eau et à l’aide d’un pinceau. Ensuite, il ne vous reste plus qu’à peindre vos filigranes à l’épaisseur souhaitée.
Eh voilà le travail !
J’espère que cet article vous a plu et vous aura éclairé sur la pose d’or au début du Moyen-Âge ! Si c’est le cas, partagez-le autour de vous ! Et si vous avez la moindre question, laissez-moi un commentaire !
A très bientôt !