Quelles sont les couleurs des manuscrits de l’époque gothique ? Y a-t-il des différences majeures avec la palette romane ? Comment étaient-elles utilisées ?
C’est ce que je vous explique aujourd’hui !
Ayant travaillé durant un an sur mon manuscrit (que j’ai créé dans un style carolingien) je n’ai pas eu beaucoup l’occasion de tester les techniques de l’enluminure gothique durant mon apprentissage. A l’époque, la seule expérience réelle que j’en ai faite a été durant mes cours de copie : j’y ai reproduit un portrait de Saint Jean (que vous pouvez voir dans ma galerie).
Depuis que je suis diplômée, je n’ai pas eu vraiment d’autres d’occasions, les projets sur lesquels j’ai travaillé étant principalement carolingiens et romans…
Cependant, il n’est pas nécessaire d’avoir une grande expérience en la matière pour constater que la palette des couleurs gothiques est riche !
Introduction
Comme à chaque fois, je repartirai de la palette que j’ai établie pour le style précédent afin de la comparer à celle de l’époque qui nous concerne.
La palette romane était la suivante :
- Blanc : blanc de plomb, craie ou argile
- Jaune : orpiment ou ocre jaune
- Rouge : oxydes de fer, garance, vermillon et cinabre, orseille, folium
- Vert : malachite, vert-de-gris, verts composés par mélange ou superposition
- Bleu : indigo, azurite, lapis-lazuli, bleu égyptien
- Noir : noir de fumée
- Brun : ocre rouge, terre de sienne naturelle et calcinée, terre d’ombre naturelle et calcinée
La palette gothique
Blanc
Que ce soit sous forme de traits fins ou plus subtilement en fondu, le blanc est comme toujours utilisé pour apporter de la lumière, du moins, aux XIIIe et XIVe siècles. A cette époque, il est rarement utilisé en tant que pigment à part entière. Au XVe siècle, cela change avec l’évolution de la représentation des modèles qui sont plus réalistes.
Son utilisation devient d’autant plus importante avec l’apparition d’une technique particulière de la fin du Moyen-Âge : la grisaille.
Pour citer quelques pigments : le blanc de plomb, de craie ou d’argile sont toujours d’actualité.
Jaune
Depuis l’époque carolingienne et l’apparition de l’or dans les manuscrits, le jaune n’est plus utilisé que par touches et cela continue jusqu’à la fin du Moyen-Âge. Il sert principalement à éclairer les verts et les bruns. S’il est utilisé tel quel, c’est dans le revers d’une étoffe, une mèche de cheveux ou le bec d’un oiseau.
Pour citer quelque pigments, on trouve encore l’orpiment, le jaune de plomb et d’étain ainsi que l’ocre jaune.
Rouge
Depuis toujours, le rouge est l’une des couleurs dominantes de l’enluminure. S’il a été peu à peu remplacé par le bleu depuis l’époque romane, il est toujours bien présent.
Pour citer quelques pigments : si la pourpre impériale se fait rare, elle a été remplacée par des couleurs telles que le cinabre ou le vermillon. Le vermillon, lui, tend à remplacer le minium dans les textes, mais ce dernier reste bien présent dans les enluminures. Vers le XIVe siècle, une nouvelle teinte rosée fait son apparition grâce à l’utilisation du pigment bois brésil qui deviendra un pigment phare de la fin du Moyen-Âge.
Vert
Le vert se fait de plus en plus discret. Alors qu’il avait une place dominante au début du Moyen-Âge dans les textes et décorations, il sert majoritairement à peindre la végétation ou les vêtements. Cependant, sa palette s’est enrichie.
Pour citer quelques pigments, on utilise toujours des oxydes de cuivres (vert-de-gris) et de la malachite, mais les mélanges sont de plus en plus fréquents, notamment entre orpiment et lapis-lazuli, ainsi qu’entre jaune de plomb et azurite.
Bleu
Le bleu est avec le rouge l’une des couleurs dominantes de l’enluminure, d’autant plus qu’il est devenu la couleur royale à la place de la pourpre.
Ainsi, on le retrouve partout : dans les textes, les décors, les vêtements des personnages…
Pour citer quelques pigments, l’indigo est toujours utilisé, bien que de moins en moins. Les principaux pigments bleus restent l’azurite et le lapis-lazuli.
Noir
Le noir n’est plus utilisé pour créer l’ombre dans les enluminures, ni pour cerner les formes, mais plus pour apporter du contraste ou comme couleur à part entière. à la fin du Moyen-Âge, il est surtout utilisé pour la technique de la grisaille avec le blanc.
Pour citer quelques pigments, les noirs proviennent majoritairement de la combustion de matière, les différentes textures et le niveau de qualité étant obtenus en fonction de la matière première brûlée.
Brun
Les techniques de peintures allant de nouveau vers le naturalisme, les bruns sont de plus en plus utilisés et leur palette s’est enrichie. On les rencontre majoritairement dans les représentations d’animaux.
Pour citer quelques pigments, on retrouve comme avant l’ocre rouge et toutes les terres : terre d’ombre, terre de sienne, qu’elles soient naturelles ou calcinées.
Les métaux
L’or
Encore une fois, l’or a une bonne place dans l’enluminure à l’époque gothique. La méthode de pose a cependant évoluée : on le pose en relief à l’aide de gesso, ou en filigrane à l’aide de poudre.
L’argent
L’argent n’est pas très présent dans l’enluminure gothique. En effet, il a tendance à s’oxyder et n’est plus utilisé que pour de menus détails.
L’utilisation des couleurs
Dans mon article précédent, je vous expliquais la façon dont étaient utilisées les couleurs à l’époque romane.
A l’époque gothique, la technique de pose et de représentation des modèles a beaucoup évolué : les pigments sont posés en fondus et dégradés. Les transitions entre les couleurs se font ainsi plus subtilement et naturellement. Les représentations n’en sont que de plus en plus réalistes.
Qu’en pensez-vous ?
À retenir
La palette de couleurs gothique se compose de :
- Blanc : de plomb, craie ou argile
- Jaune : orpiment, jaune de plomb ou d’étain, ocre jaune
- Rouge : garance, vermillon, cinabre et minium en plus des autres rouges plus violacés tels que l’orseille, le follium, et le bois brésil
- Vert : vert-de-gris, malachite, verts composés
- Bleu : l’indigo en faibles quantités, lapis-lazuli et azurite
- Noir : noir de fumée ou de carbone
- Bruns : terres de sienne, terre d’ombre, ocres
- Or et argent : en poudre ou en feuille
Les couleurs dominantes sont :
- Le bleu et le rouge, mais toutes les couleurs sont de plus en plus représentées.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Appréciez-vous autant que moi les couleurs gothiques et la façon de les utiliser ?
Préférez-vous le style XIIIe/XIVe ou XVe siècle ?
Dites-moi tout en commentaire !