Quelles couleurs composent la palette carolingienne ? Y a-t-il des tons plus dominants que d’autres ? Si oui, pourquoi, et quels sont-ils ? Comment ces couleurs sont-elles travaillées ?
C’est ce que je vous explique aujourd’hui !
Voilà un bon exemple des questions que je me suis posées alors que je faisais les recherches pour mon projet de fin d’études. Pour y répondre, j’ai donc fait ce que je fais toujours : j’ai établi une liste de manuscrits représentatifs de l’enluminure de l’époque et je les ai observés.
Pour les manuscrits, j’ai sélectionné ceux de l‘école de Charlemagne et de Charles le Chauve. Je reviendrai plus en détail dans un prochain article sur la notion d’« écoles », mais en résumé, il s’agit de manuscrits ayant probablement été réalisés au même endroit à la même période et peut-être par le même groupe de personnes. Ils ont donc des caractéristiques communes qui étaient à la mode à ce moment et à cet endroit.
Si j’ai choisi les écoles de Charlemagne et de Charles le Chauve, c’est parce qu’elles sont selon moi représentatives de ce qui se faisait à la cour, et donc, certainement ce qui se faisait de mieux.
Les manuscrits
École de Charlemagne
École de Charles le Chauve
L’évolution de la palette
Supposant que les changements ne se sont pas faits d’un seul coup dans l’enluminure, je me suis servie de la palette mérovingienne comme d’un point de départ pour identifier les couleurs carolingiennes.
Souvenez-vous-en. Elle était composée de couleurs simples : le blanc de céruse, l’orpiment, le minium, le vert de gris, l’indigo et le noir de fumée.
Eh bien, il ne m’a pas fallu beaucoup de temps et d’observations pour constater l’enrichissement qu’elle avait subie ! Avec les images que j’ai proposées plus haut, vous le constaterez d’ailleurs vous-même !
Blanc
Tandis qu’à l’époque mérovingienne, le blanc n’était pas utilisé tel quel, à l’époque carolingienne il apparaît tout seul et en mélange pour éclaircir d’autres couleurs.
Il est toujours composé de céruse, mais également de blanc de Meudon (craie)
Jaunes
Dans les manuscrits carolingiens, le jaune tend à disparaître car il y est remplacé par l’or.
En effet, à l’époque où l’on n’utilisait pas encore l’or dans les manuscrits, la lumière était signifiée par le jaune. Mais avec les progrès techniques et l’utilisation de la poudre et de la feuille d’or, le jaune s’efface peu à peu. Il reste malgré tout présent dans les décors ou par touches pour apporter du contraste ou pour éclaircir les bleus et les verts.
On utilise alors l’orpiment ou l’ocre jaune.
Rouge
La famille des rouges est certainement celle qui s’est le plus développé.
En effet, comme je vous l’expliquais dans mon article précédent, la Renaissance Carolingienne reprend les codes de la Rome Antique. En héritier des Empereurs Romains, Charlemagne a donc fait de la pourpre la couleur officielle de son Empire. C’est donc sans surprise qu’on retrouve ses teintes dans tous les manuscrits de l’époque.
Les pigments utilisés pour obtenir cette couleur si recherchée sont nombreux et diffèrent par leur qualité, leurs teintes et leur prix. Il y a la pourpre issue de pigments animaux tels que le murex et la cochenille. Leurs teintes vont d’un rouge brun profond à un violet presque bleu-gris. Puis il y a les pigments issus des végétaux tels que la garance, qui a elle aussi une teinte brune, le folium et l’orseille qui ont des teintes plus rosées.
On utilise toujours le minium, mais également le vermillon issu du mercure qui lui est proche en teinte, ainsi que l’ocre rouge.
Vert
Le vert de gris est toujours bien présent, mais possède plus de nuances. On utilise aussi d’autres pigments issus des minéraux : terre verte et malachite. Il peut également être issu de mélanges ou de superpositions de pigments : vert-de-gris et indigo, indigo et orpiment.
Bleu
L’indigo est toujours utilisé, néanmoins, des nuances de bleus plus clairs font leur apparition : le bleu de cuivre, l’azurite, le lapis-lazuli et beaucoup plus rarement le bleu égyptien.
Noir
Le noir est très rarement utilisé. Quand il l’est, il s’agit de noir de carbone.
Bruns
Différentes nuances de brun apparaissent dans la palette grâce aux terres : terre d’ombre naturelle/calcinée, terre de sienne naturelle/calcinée, ocre rouge. Elles sont en général associées à d’autres couleurs pour en modifier légèrement la teinte.
Le travail des couleurs
La grande nouveauté de l’enluminure carolingienne est la technique utilisée pour poser les pigments.
Alors que les mérovingiens les posent en aplats sans nuances, les carolingiens reviennent à des techniques plus complexes et osent mélanger les couleurs.
On voit apparaître des fondus et des dégradés qui donnent du volume et de la profondeur à l’image.
A retenir
La palette de couleur carolingienne se compose de :
- Blanc : blanc de plomb ou de craie
- Jaune : orpiment et ocre jaune
- Rouge : minium, vermillon, pourpre (murex, cochenille), folium
- Vert : vert-de-gris, malachite, verts composés
- Bleu : indigo, bleu de cuivre, azurite, lapis-lazuli
- Noir : noir de fumée
- Brun : terres, ocre rouge
Les couleurs dominantes sont les pourpres, le vert et le bleu.
Et vous, comment trouvez-vous la palette carolingienne ? La trouvez-vous plus riche que la mérovingienne ? Aimez-vous les dominances de rouge et d’or ?
Dites-moi tout en commentaire !