Un an pour réaliser un manuscrit de toute pièce, de la première idée à la reliure. La semaine dernière, je vous présentais la manière dont j’avais réalisé le quatrième chapitre de ce manuscrit dans un style carolingien. Aujourd’hui, je vous parle de l’étape suivante : celle du cinquième et dernier chapitre, consacré aux Terres Khidalii.

Pour rappel, mon manuscrit a pour thème un monde que j’ai imaginé. J’ai en effet décidé d’utiliser pour sa réalisation un roman de Fantasy que j’écris. Et oui, car en plus d’être enlumineresse, je suis aussi autrice !
Mon cahier des charges est le suivant : choisir un ou deux styles de l’enluminure occidentale, calligraphier un texte court dans l’écriture du.des style.s choisi.s, inclure au moins quatre pleines pages.
Le but de mon manuscrit est donc de présenter les divinités que j’ai inventées pour mon histoire, avec leurs spécificités propres, comme on l’aurait fait au Moyen-Âge.
En théorie
L’idée était de représenter les dieux créateurs des cinq civilisations de mon histoire. La cinquième civilisation concernée est celle des Khidalii.
Pour créer cette civilisation, je me suis librement inspirée des civilisations du Moyen Orient, mais sans vraiment m’arrêter sur un peuple en particulier. Ainsi, mes influences balancent entre gréco-romaine, perse ou turque.
Dans mon histoire, les Khidalii sont un peuple à part, car ils ne sont pas humains à proprement parler. Ils se rapprochent de ce qui ressemble aujourd’hui, dans la culture populaire, à des Elfes, ou plus à des Fae. Plus grands que la moyenne des humains, ils sont aussi plus forts, plus intelligents et dotés d’une beauté envoutante. Bien que leur civilisation soit sur le déclin à cause de conflits internes et de différentes malédictions, ils ont, à leur apogée, atteint un niveau de confort et de technologie qui n’a pas été égalé sur les Cinq Terres.
Les Khidalii sont perçus comme les autres peuples comme étant sauvages à cause de leur façon d’aborder la vie, et l’existence de façon générale, qui ne contient pas de demi-mesure. Ils ont la conviction que chaque acte ou pensée à une conséquence sur soi et autrui. Cela fait qu’ils sont très conscients d’eux-mêmes, de leurs choix et de leurs décisions qu’ils assument totalement. Ils agissent donc en pleine conscience, et quoi qu’ils fassent, quoi qu’il puisse arriver, ils sont rarement en proie à des émotions fortes. Ils maintiennent un équilibre parfait entre leurs actes et leurs pensées.
Cet équilibre est personnifié par les divinités qu’ils vénèrent, le commencement et la fin ; la vie et la mort. L’un ne peut exister sans l’autre.
Le but de ce quatrième chapitre était donc de représenter ces divinités, dans un style duquel devaient ressortir des influences moyen-orientales.
En pratique
étape 1 : choisir le style
En pratique, le style d’enluminure qui se rapprochait le plus de ce que je cherchais pour représenter mes Khidalii était le style byzantin. Il possède le raffinement et la richesse nécessaire, avec l’utilisation de l’or à profusion, et la représentation des personnages de manière plutôt réaliste. De plus, il est le style qui a le plus influencé l’enluminure carolingienne. Il colle donc parfaitement à mon cahier des charges.
étape 2 : la mise en page
Une fois le style arrêté, j’ai commencé à chercher des références dans les manuscrits byzantins que j’avais choisis pour trouver mon inspiration et ma mise en page. Une fois de plus, et pour faire un petit parallèle avec mon troisième chapitre, j’ai décidé de ne pas faire de double page en vis-à-vis.
Ma page de gauche serait donc consacrée aux divinités, mises en scène dans un encadrement richement décoré. Il faudrait aussi que j’utilise beaucoup d’or, car c’est l’une des caractéristiques de l’enluminure byzantine : sa richesse. Chez eux, l’or « était considéré comme un symbole de spiritualité qui traduit la splendeur du monde divin : rien n’est trop beau pour le service de Dieu. » (Stavros Lazaris – sur le statut de l’utilisation de l’or à Byzance : le cas des manuscrits chrysographiés). Ma page de droite, elle, accueillerait un mantra, bien sûr, mais aussi le début du texte avec quelques décors.
étape 3 : les références
Pour la page de gauche, et notamment son encadrement à 3 bandeaux dont un en réserve avec calligraphie, je me suis inspirée du manuscrit Grec 224 (conservé à la BNF)

Ensuite, pour la composition générale de la page, je me suis inspirée des Homélies de Jehan Chrysostome (conservé à la BNF sous la Coislin 79)

Concernant les bandeaux intérieurs de l’encadrement, je me suis inspirée du motif végétal du manuscrit Grec 48 (conservé à la BNF) et de la palette de couleurs du Tétraévangile adapté à l’usage liturgique (conservé à la BNF sous la cote Grec 64)


étape 4 : la palette de couleurs
Afin de réaliser ma palette de couleurs, j’ai pris pour référence la page du Tétraévangile Grec 64. C’était un pari un peu fou, car les couleurs sont très vives, en camaïeu de rose. Pour équilibrer le tout, j’y ai ajouté du bleu et du vert très vif. Jusqu’au bout, j’ai douté de mes choix, mais j’ai tenté de faire confiance au processus.

étape 5 : finalisation du projet
Après avoir étudié mes références, j’ai fait des croquis précis pour ma mise en page en travaillant chaque détail. J’ai combiné les différents encadrements que j’avais sélectionnés pour donner vie au mien. J’ai également rédigé un court texte à mettre dans le bandeau en réserve, en m’inspirant du design des lettres de l’alphabet grec. Ce texte parlerait évidemment des divinités khidalii.
Il dit :
Zefra, dithei de se khi i kide-sha de se khel : Zefra, divinité de la vie et gardien du commencement.
Holan, dithei de se ukh i kide-sha de se kuth : Holan, divinité de la mort et gardienne de la fin.

Et après quelques essais couleur, voilà le résultat !



A retenir
Voilà donc ce qu’il faut retenir de ce cinquième chapitre.
Pour coller au peuple khidali que j’avais créé et qui est inspiré des peuples moyen-orientaux, je me suis inspirée de l’enluminure byzantine. J’ai donc utilisé :
- des à multiples bandeaux
- des motifs végétaux en rinceaux
- des couleurs vives en camaïeu de rose, de vert et de bleu
- beaucoup d’or
J’ai représenté les divinités Zefra et Holan dans des vêtements d’inspiration byzantine.
C’est tout pour aujourd’hui ! J’espère en tout cas que cette plongée dans mon processus créatif vous aura plu ! Si c’est le cas, likez cet article, partagez-le autour de vous et inscrivez-vous à la newsletter pour ne pas louper la suite de l’aventure.